Cour Constitutionnelle, Extrait de l’arrêt n° 50/2022 du 31 mars 2022 Numéro du rôle : 7605

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M.B. 31.10.2022

En cause : le recours en annulation de l’article 45 du décret-programme de la Communauté française du 9 décembre 2020 « portant diverses mesures visant à faire face aux conséquences de la crise du Coronavirus, aux Bâtiments scolaires, aux Fonds budgétaires, au Fonds Ecureuil, à WBE, à la Santé, aux Médias, à l’Education permanente, aux Bourses d’étude, à la Recherche scientifique et à l’Enseignement obligatoire », introduit par l’ASBL « Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique en Communautés française et germanophone ».

Contexte : La Cour a annulé, par l’arrêt n° 126/2020 du 1er octobre 2020, la disposition décrétale qui reporte à 2038 la fin du mécanisme dérogatoire de financement des établissements d’enseignement organisés par la Communauté française. Le législateur décrétal ne justifiait en effet pas ce prolongement de l’inégalité de financement entre les établissements organisés par la Communauté française et les établissements subventionnés par la Communauté française.

L’intervention de la Communauté française dans les frais de fonctionnement des établissements scolaires prend la forme de dotations pour les écoles de Wallonie Bruxelles Enseignement (WBE) et de subventions pour les écoles des autres réseaux d’enseignement.

L’art. 1er du décret du 12.07.2001 visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l’enseignement fondamental et secondaire consacre un principe général de financement basé sur l’octroi d’une allocation forfaitaire par élève, en distinguant les niveaux, formes et types d’enseignement.

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 12.07.2001 précité, ce principe général est assorti d’une dérogation qui prévoit que les dotations telles qu’elles ont été revues en 2001, ne peuvent aboutir à des montants inférieurs à ce qui était alloué en 2001. Cette dérogation fait obstacle à l’application de la règle dite ‘des 75 %’, selon laquelle la Communauté française octroie 75 EUR par élève inscrit dans un établissement subventionné, là où elle dépense 100 EUR par élève inscrit dans un de ses propres établissements.

Cette dérogation, au moment de son adoption, était justifiée par la crainte que les établissements de la Communauté française subissent de lourdes pertes financières et avait été conçue comme étant une règle transitoire, pour une période allant de 2002 à 2010. Elle a été prolongée une première fois jusqu’en 2014 et une seconde fois jusqu’en 2018.

L’une des dispositions en cause (art. 56 du décret spécial du 07.02.2019 portant création de l’organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l’Enseignement organisé par la Communauté française) prolonge de vingt ans (jusqu’en 2038) ce mécanisme dérogatoire. Il incombait au législateur décrétal de justifier ce prolongement de l’inégalité de financement entre les établissements organisés par la Communauté française via WBE et les établissements subventionnés par la Communauté française.

Les justifications données dans les travaux préparatoires ne démontraient pas en quoi la sortie du régime dérogatoire ‘aurait des conséquences financières très négatives pour une majorité des écoles concernées’. Il n’est pas non plus démontré pourquoi ‘les nombreuses évolutions liées au Pacte pour un enseignement d’excellence’ et ‘l’importance de la pression démographique attendue dans les années à venir’ affecteraient davantage les établissements du réseau communautaire que les établissements subventionnés.

Dès lors, la Cour a annulé l’art. 56 précité mais a maintenu ses effets jusqu’à l’entrée en vigueur de nouvelles règles adoptées par le législateur décrétal avec une date butoir au 31 décembre 2022 inclus.

En outre, l’art. 38 attaqué du décret spécial du 07.02.2019 prévoit que la dotation annuelle destinée à financer le fonctionnement et l’organisation de WBE est composée de trois montants.

Arrêt 50/2022 : L’art. 45 attaqué du décret-programme du 09.12.2020 qui modifie l’art. 38 précité apporte des modifications aux montants accordés.

Il est soutenu que les montants affectés à WBE ne seraient pas justifiés au regard du principe d’égalité entre les réseaux et qu’ils seraient susceptibles d’affecter défavorablement les subventions dont le réseau de l’enseignement libre subventionné, notamment, pourrait bénéficier.

La Cour relève notamment à cet égard que devront être créés des mandats nouveaux spécifiques qui n’existaient pas au sein du ministère de la Communauté française. Des fonctions de support qui requerront des recrutements spécifiques devront aussi être créées et financées. Elle souligne qu’il ne lui appartient pas d’apprécier si les dotations qui sont instaurées sont opportunes ou souhaitables. Pour autant que ces mesures ne soient pas disproportionnées au but poursuivi et qu’elles tiennent objectivement compte des besoins en matière de financement de l’enseignement en Communauté française, le choix des modes de financement de WBE relève du pouvoir d’appréciation du législateur décrétal.