Cour constitutionnelle – Arrêt n° 51/2022 du 31 mars 2022 Numéro du rôle : 7390
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M.B. 17.11.2022
En cause : le recours en annulation de l’article 62 du décret-programme de la Communauté française du 18 décembre 2019 portant diverses mesures relatives aux Bâtiments scolaires, aux Fonds budgétaires, à la Santé, à l’enseignement supérieur, à la Recherche, au Sport, aux Hôpitaux universitaires, au Personnel de l’enseignement, à l’enseignement et à WBE , introduit par le SeGEC.
Cette disposition modifie l’article 38 du décret spécial de la Communauté française du 7 février 2019 portant création de l’organisme public chargé de la fonction de Pouvoir organisateur de l’Enseignement organisé par la Communauté française.
La partie requérante fait valoir que cette disposition fait naître une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, le PO du réseau d’enseignement de la Communauté française et ses établissements et, d’autre part, les PO et les établissements des réseaux subventionnés.
La Cour examine le recours uniquement en ce qu’il porte :
- D’une part, sur la modification apportée à l’article 38, alinéa 5, du décret spécial du 7 février 2019 par l’article 62, 3°, attaqué, en ce que cette disposition prévoit une allocation exceptionnelle de 1 880 000 euros pour les années 2021 et 2022 et ;
- D’autre part, sur la modification apportée à l’article 38, alinéa 4, du décret spécial du 7 février 2019 par l’article 62, 2°, attaqué, dès lors que cette disposition prévoit que le montant visé à l’article 38, alinéa 2, du décret spécial du 7 février 2019 est indexé.
Il appartient à la Cour de vérifier si le législateur décrétal, en adoptant les parties de l’article 62, attaqué, du décret-programme du 18 décembre 2019 visées en B.6.3, a fait naître une différence de traitement qui est raisonnablement justifiée.
Le moyen unique se base sur le fait que la disposition attaquée réserverait au seul PO du réseau d’enseignement de la Communauté française et à ses établissements des moyens financiers complémentaires à ceux qui sont déjà prévus à l’article 38 du décret spécial du 7 février 2019. Ces montants ne seraient pas justifiés par des différences objectives et légitimes entre l’enseignement organisé par WBE et l’enseignement subventionné et ils seraient disproportionnés, de sorte que l’article 24, § 4, de la Constitution serait violé.
Bien que le traitement égal des établissements d’enseignement constitue le principe, l’article 24, § 4, de la Constitution n’exclut pas un traitement différencié, à la condition que celui-ci soit fondé sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur. Pour justifier, au regard du principe d’égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d’enseignement des réseaux d’enseignement, il ne suffit cependant pas d’indiquer l’existence de différences objectives entre ces établissements. Il doit encore être démontré qu’à l’égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement.
La Cour estime que la différence de traitement entre le PO de l’enseignement de la Communauté française et les PO de l’enseignement subventionné repose sur un critère objectif. Contrairement à l’enseignement subventionné, qui est chargé d’un service public fonctionnel organisé par un nombre important de pouvoirs organisateurs distincts et autonomes, elle souligne que l’enseignement de la Communauté française relève d’un pouvoir organisateur unique.
Elle considère dès lors que, conformément à l’habilitation qui lui est conférée par l’article 24, § 2, de la Constitution, le législateur décrétal spécial a pu prendre des dispositions nouvelles relatives à l’organisation du PO de ce réseau d’enseignement.
La création d’un organisme public autonome chargé d’exercer dorénavant la fonction de PO pour l’enseignement organisé par la Communauté française participe à cet égard d’un objectif légitime, à savoir distinguer le PO de l’enseignement dispensé par le réseau officiel de la Communauté française du pouvoir régulateur chargé de mettre en œuvre pour les trois réseaux d’enseignement de la Communauté française les dispositions constitutionnelles qui garantissent la liberté d’enseignement et le droit à l’éducation pour l’ensemble des enseignants, des parents et des élèves.
Le SeGEC ne conteste pas que la mise en place de cette nouvelle structure implique l’octroi à WBE de moyens financiers nouveaux, par le décret spécial du 7 février 2019, sous la forme d’une dotation annuelle (article 37). Elle soutient toutefois que les montants affectés à WBE ne seraient pas justifiés au regard du principe d’égalité entre les réseaux et qu’ils seraient susceptibles d’affecter défavorablement les subventions dont le réseau de l’enseignement libre subventionné, notamment, pourrait bénéficier. La partie requérante dénonce en particulier l’absence de proportionnalité en ce qui concerne le montant de la dotation visé à l’article 38, alinéa 1er, 1°.
La Cour relève que la dotation annuelle visée à l’article 37, attaqué, du décret spécial du 7 février 2019 est destinée à financer le fonctionnement et l’organisation de WBE.
Aux termes de l’article 38 attaqué, cette dotation est composée de trois montants.
Le montant de 10 000 997 euros doit permettre de couvrir l’ensemble des frais généraux propres à WBE et d’exécuter l’ensemble des missions fixées dans le contrat de gestion qui doit être mis en place au plus tard le 30 septembre 2020. Même si le montant susvisé est affecté à WBE avant même la conclusion du contrat de gestion, on ne saurait en déduire, contrairement à ce que soutient la partie requérante, que ce montant profiterait aux établissements de l’enseignement de la Communauté française.
Il résulte notamment du 7 février 2019 que devront être créés des mandats nouveaux spécifiques qui n’existaient pas au sein du ministère de la Communauté française. Des fonctions de support qui requerront des recrutements spécifiques devront aussi être créées et financées.
Pour le surplus, la Cour relève qu’il ne lui appartient pas d’apprécier si les dotations instaurées par les articles 37 à 39 du décret spécial du 7 février 2019 sont opportunes ou souhaitables. Pour autant que ces mesures ne soient pas disproportionnées au but poursuivi et qu’elles tiennent objectivement compte des besoins en matière de financement de l’enseignement en Communauté française, le choix des modes de financement de WBE relève du pouvoir d’appréciation du législateur décrétal.
La Cour rejette le recours considérant le moyen unique non fondé.