Cour constitutionnelle, arrêt n° 169/2021 du 25 novembre 2021 Numéro du rôle : 7365

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M.B. 06.04.22

En cause : la question préjudicielle concernant l’article 19bis de l’arrêté royal du 25 octobre 1971 « fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d’enseignement de la Communauté française », tel qu’il a été inséré par l’article 156 du décret de la Communauté française du 10 mars 2006 « relatif aux statuts des maîtres de religion et professeurs de religion », posée par le Conseil d’Etat.

Par l’arrêt n° 247.028 du 11 février 2020, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 24 février 2020, le Conseil d’Etat a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 19bis de l’arrêté royal du 25 octobre 1971 fixant le statut des maîtres de religion, des professeurs de religion et des inspecteurs de religion des religions catholique, protestante, israélite, orthodoxe et islamique des établissements d’enseignement de la Communauté française, inséré par le décret du 10 mars 2006 et tel qu’il était rédigé avant sa modification par le décret du 11 juillet 2018, viole-t-il les articles 10, 11 ou 24 de la Constitution en ce que cette disposition ne prévoit pas la faculté pour le membre du personnel à qui elle s’applique d’introduire une réclamation contre la décision de licenciement sans préavis pour faute grave devant une chambre de recours, alors que cette faculté est expressément réservée par les articles 28bis et 43ter de l’arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d’éducation, du personnel paramédical des établissements d’enseignement, gardien, primaire, spécialisé, moyen, technique, de promotion sociale et artistique de l’Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d’inspection chargé de la surveillance de ces établissements respectivement aux membres du personnel désignés à titre temporaire licenciés sans préavis pour faute grave et aux membres du personnel temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés sans préavis pour faute grave, et que cette faculté est également réservée aux temporaires licenciés moyennant un préavis et aux temporaires prioritaires ou temporaires protégés licenciés moyennant un préavis par respectivement les articles 28 et 43 du même arrêté royal du 22 mars 1969, ainsi qu’aux professeurs de religion, en stage, licenciés avec un préavis par l’article 18 de l’arrêté royal du 25 octobre 1971 précité ? ».

 

La Cour dit pour droit que la disposition litigieuse viole les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu’il ne permet pas aux maîtres et professeurs de religion stagiaires de l’enseignement organisé par la Communauté française de saisir la chambre de recours pour contester la décision de licenciement pour faute grave dont ils font l’objet ».:

Si Le Gouvernement de la Communauté française a soutenu que les maîtres et professeurs de religion stagiaires de l’enseignement organisé par la Communauté française qui sont licenciés sans préavis pour faute grave, d’une part, et les autres membres du personnel enseignant temporaires prioritaires et temporaires protégés de cet enseignement qui sont licenciés avec préavis, ainsi que les professeurs de religion en stage de cet enseignement qui sont licenciés avec préavis, d’autre part, ne sont pas comparables au regard de la disposition en cause, eu égard à la gravité de la faute à l’origine du licenciement, la Cour a répondu que « Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. En l’occurrence, la Cour doit se prononcer sur la comparaison entre les membres du personnel enseignant de l’enseignement organisé par la Communauté française qui ne sont pas nommés à titre définitif et qui font l’objet d’une mesure de licenciement. Ces catégories de personnes sont comparables. La seule circonstance que, dans un cas, le licenciement n’est pas assorti d’un délai de préavis, alors qu’il l’est dans les autres cas peut certes constituer un élément dans l’appréciation d’une différence de traitement, mais elle ne suffit pas pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de priver de sa substance le contrôle qui est exercé au regard du principe d’égalité et de non-discrimination ».

Elle ajoute que « La possibilité de saisir une chambre de recours pour contester une décision de licenciement constitue une garantie significative pour le membre du personnel temporaire ou stagiaire de l’enseignement organisé par la Communauté française qui fait l’objet du licenciement. Ainsi que le juge a quo le relève, lorsque son intervention est prévue en matière de licenciement du personnel temporaire ou des stagiaires, la chambre de recours contribue, par l’avis motivé qu’elle donne, à fournir à l’organe investi du pouvoir final de décision une meilleure connaissance du dossier en cause. Cet avis constitue en effet, pour le membre du personnel concerné, une garantie du respect par l’autorité de son devoir de minutie ».

Bien que cet arrêt concerne un texte applicable uniquement à l’enseignement organisé par WBE, on peut cependant craindre que pareille décision puisse être rendue par la Cour si elle venait à être saisie d’une question préjudicielle concernant l’article 25 du décret du 6 juin 1994 fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l’enseignement officiel subventionné. Cette disposition prévoit en effet la possibilité pour le membre du personnel désigné à titre temporaire d’introduire un recours devant la chambre de recours compétente en cas de licenciement moyennant préavis mais pas en cas de licenciement pour faute grave.